F. Hinard (Paris), La terreur comme mode de gouvernement (au cours des guerres civiles du Ier siècle a. C.)
Une révolution peut-elle avoir lieu sans que le peuple
tout entier se trouve, pendant une période plus ou moins longue, «
terrorisé » au point d'en venir à accepter un régime,
quel qu'il soit, qui lui garantisse la sécurité de la vie et des
biens ? C'est la question qu'on est amené à se poser pour la «
Révolution romaine » qui a contraint les Romains à accepter
un régime monarchique, quelque horreur qu'ils aient jusque là
éprouvé devant toute adfectatio regni.
Or, à y regarder de près, il s'avère qu'au cours du Ier
siècle a.C., les Romains ont connu deux périodes, aisément
identifiables selon moi, au cours desquelles tous les repères sociaux
sur lesquels ils vivaient ont été remis en cause. On est donc
amené à examiner comment, dans les dernières décennies
de la République, ils ont été soumis à ces régimes
de terreur qu'on n'a guère analysés, parce qu'on s'est contenté,
le plus souvent, d'analyser, un à un, les actes de violence, les épurations
ou, d'une façon plus générale les périodes de troubles,
comme s'il ne s'agissait que de phénomènes isolés et, donc
sans les relier aux conditions économiques non plus qu'aux peurs religieuses
ou aux catastrophes naturelles.
Il semble pourtant que lors des deux « régimes de terreur »
que j'ai cru pouvoir identifier, s'est produite une concordance de faits d'ordre
économique, religieux, social et politique, qui créaient un climat
permanent d'extrême angoisse, faits qui doivent être analysés
non seulement pour eux-mêmes, mais surtout comme des « systèmes
» consciemment mis en place, voire exploités, par des dynastes
désirant asseoir durablement leur pouvoir.
On analysera donc rapidement toutes les composantes de ces deux régines
de terreur, pour montrer qu'ils ont été un élément
déterminant de la « révolution romaine ». Et on constatera
que l'historiographie contemporaine a souvent ignoré ces régimes
en tant que tels, sans doute parce que les méthodes employées
(la prosopographie, l'histoire institutionnelle) ne nous ont pas permis d'approcher
les réalités sociales d'une révolution (qui sont peut-être
celles de « toutes les révolutions »).